La moisson sans contact, une première
Cette année, la moisson est placée sous le signe du sans contact. Gestes barrières et distanciation sociale sont de la partie pour éviter que le Covid-19 ne joue encore plus les trouble-fêtes.Par Lucie Petit
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Si les distributeurs ont su composer avec le Covid-19 et les gestes barrières ces derniers mois en adaptant leur travail au quotidien, il est hors de question de relâcher les efforts lors de la moisson. Temps fort chaque année, elle devrait même être encore plus décisive qu’à l’habitude, en étant un élément clé de la sortie de crise par l’atténuation de certains points de tension, notamment financiers et humains, ressentis par certaines entreprises agricoles. « Mais pour cela, il est important que les effectifs reviennent travailler et soient motivés », explique Pierre Marin, dirigeant de l’Iddem, institut d’études marketing et communication, spécialiste du secteur agricole, et à l’origine d’une enquête sur les difficultés ressenties par les distributeurs lors de la crise.
Mais si la moisson ne peut se faire sans des équipes au complet, elle sera également synonyme de regroupement de personnes, premier facteur de risque pour la transmission du virus. « La période des moissons est une période d’intenses brassages de personnes et de circulation de matériels dans les fermes et avec les centres de collecte. Aussi, les agriculteurs doivent rester vigilants en respectant les consignes adoptées pendant toute la période de confinement, analyse Éric Thirouin, président de l’AGPB. En pleine moisson, la fermeture d’un silo et la mise en quarantaine d’agriculteurs ou de salariés seraient la pire des choses qui puisse arriver. »
Éviter tout risque de contamination
La vigilance de mise depuis le début de la crise ne doit donc pas faiblir. « La période des moissons ne modifiera pas nos habitudes. Il ne faut pas que le virus gâche cette fête ! », insiste Antoine Pissier, président de la FNA. Le respect des consignes sera la clé de la réussite de cette moisson. « Il va falloir être vigilant et jouer au gendarme », annonçait Catherine Racle, PDG du négoce Bresson, à la mi-mai, lors de la préparation de son plan sanitaire pour la moisson. Pour cela, le négoce bourguignon s’est notamment appuyé sur le protocole moisson rédigé par la FNA, qui a également proposé des réunions d’information aux responsables logistique et collecte de négoces. La FNA, la FNSEA, l’AGPB et La Coopération agricole ont d’ailleurs lancé une campagne de communication accompagnée d’une vidéo disponible sur YouTube (moisson 2020 : adoptez les bons gestes). Filmée en immersion sur un site de collecte, cette vidéo présente les mesures sanitaires à mettre en œuvre pour l’organisation de cette moisson spéciale au cœur des préoccupations des entreprises. « Il faut éviter tout risque de contamination, l’ensemble des gestes et des contacts ont été repensés, explique Antoine Pissier. Si un nouveau foyer de contamination émergeait dans un silo, il faudrait réorganiser les livraisons vers d’autres centres de collecte. Le protocole qui serait alors mis en place par l’Agence régionale de santé (ARS) pénaliserait le déroulement de la moisson. » « Si un cas de Covid-19 était détecté dans un de nos dépôts, nous appliquerions les plans spécifiques moisson dans la continuité du plan de continuité d’activité, pour poursuivre la collecte en redéployant notre organisation logistique vers les centres de collecte épargnés par l’infection », ajoute Antoine Hacard, président de La Coopération agricole Métiers du grain.
Rester dans son tracteur
Distanciation sociale et gestes barrières sont donc bien évidemment de la fête ! Le « sans contact » est la règle cette année. Et c’est un véritable parcours limitant tous les contacts qui a été mis en place par les distributeurs sur leurs sites de collecte, de la venue de l’agriculteur à son départ.
Tout commence par l’arrivée des tracteurs au silo, parfois synonyme de longues files d’attente. Chez Terre Comtoise, pour limiter ce phénomène et réguler le nombre de personnes présentes sur les sites de collecte, les adhérents sont invités à annoncer leur venue à l’avance. La coopérative tient également un registre journalier des personnes présentes sur les sites qui permettra, en cas de contamination, de prévenir les personnes qui auraient pu se côtoyer.
Lors de l’attente pour la pesée, et même après, il est également demandé à chacun de rester dans son tracteur, règle instaurée par l’ensemble des organismes de collecte, de même que l’inaccessibilité des locaux aux agriculteurs. Pour les bons de livraison, plusieurs solutions sont proposées. Chez Soufflet, le choix de la dématérialisation avec son appli Farmi a été fait. L’agriculteur communique ainsi au silo à l’avance les informations relatives à sa livraison. S’il ne peut l’utiliser, un espace est dédié au dépôt du bon. À la Scara, ils seront transmis par la fenêtre du bureau de réception, et chez Noriap, une bannette « passe-documents » a été installée. Pour les bons de réception, plusieurs structures se tournent vers la digitalisation avec l’envoi de courriels, notamment pour Soufflet qui renforce ce dispositif mis en place depuis quelques années, et la Scara qui vient de l’instaurer. La venue des agriculteurs sur le site pour les analyses d’échantillons est également repensée. Et là encore, pas de surprise, ils sont invités à ne pas entrer dans les locaux. Les échantillons sont déposés dans un espace dédié et les résultats sont transmis oralement comme pour Dijon céréales, via une ardoise pour Noriap, ou encore sur le téléphone pour les clients Soufflet utilisant l’application Farmi. De manière générale, toutes les mesures mises en place depuis le début de la crise restent de mise : port du masque, mise à disposition de gel hydroalcoolique dans les locaux, utilisation de son stylo personnel pour les agriculteurs, désinfection régulière des objets, et marquages au sol. L’ensemble des consignes ont d’ailleurs été communiquées aux agriculteurs via les différents réseaux de communication.
Des saisonniers formés à distance
Le recrutement des saisonniers et, surtout, leur formation ont également été plus délicats cette année. Limagrain a, par exemple, mis en place un dispositif de candidature en ligne simplifiée. Et pour la formation, le digital a été privilégié par plusieurs structures. Axéréal a notamment formé ses 650 saisonniers à distance, en intégrant un volet sanitaire. D’autres coopératives se sont pour leur part tournées vers les modules de formation en ligne proposés par La Coopération agricole Solutions +.
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